Colloque


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Colloque du 16 novembre 2018 sur « Où va la Bretagne ? »
Organisé par Ar Falz/Skol Vreizh au lycée Suscinio à Morlaix-Ploujean

   À la suite de la parution au printemps 2018 de l’ouvrage Où va la Bretagne ? par Ar Falz/Skol Vreizh, ses auteurs, Yves Lebahy et Jean-Claude Le Ruyet ont organisé ce colloque avec de nombreux autres intervenants de milieux professionnels divers.

   Après l’introduction au colloque par Paolig Combot et Jean-René Le Quéau, président et vice-président d’Ar Falz/Skol Vreizh, Yves Lebahy, membre et ancien président des « géographes de Bretagne », a démarré d’emblée la journée en mettant en garde contre « l’illusion que tout va bien en Bretagne ».
Outre les fractures territoriales (la Loire-Atlantique absente de la Région Bretagne, les métropoles de Rennes et Nantes modifiant considérablement l’arrière-pays qui devient leurs banlieues, …), il a mis l’accent sur l’avenir maritime de la Bretagne actuellement en berne, le cabotage entre ports de la côte inexistant alors qu’il existe un besoin, la pêche en décroissance, le développement des énergies marines sans cesse repoussé…

    L’avenir de la jeunesse bretonne se pose aussi devant l’appareil scolaire et son adaptation aux besoins ; sans compter avec les problèmes d’addiction à l’alcool et aux drogues qui ruinent aujourd’hui l’avenir d’un nombre important de jeunes…
L’insuffisance des offres d’emploi pour les jeunes en Bretagne oblige un nombre important d’entre eux à partir ailleurs chercher du travail ; ce qui entraîne une perte démographique, laquelle n’est compensée que par l’arrivée de Bretons âgés, de retour en Bretagne pour leur retraite. La pyramide des âges se creuse entre 25 et 40 ans et se gonfle après 60 ans…
Le bilan actuel des emplois en Bretagne montre une insuffisance d’économie productive et trop d’économie distributive. Les secteurs primaire et secondaire sont en décroissance forte, le secteur tertiaire en forte augmentation. L’évolution climatique remet aussi en question un certain nombre de valeurs dans nos modes de vie : il serait temps de revenir à une sagesse des rapports des habitants avec la terre, une géophilosophie…

   Jean Ollivro, géographe, a abordé le thème de l’équilibre territorial et urbain, où les villes moyennes ne trouvent plus leur part. Les jeunes veulent souvent du travail à Nantes ou Rennes, beaucoup moins à Brest ou dans d’autres villes moyennes (comme Auray, Concarneau, Douarnenez, Landerneau, Lannnion, Tréguier, Dinan, souvent en bout d’un estuaire). Une réussite comme celle de Lannion avec les Télécoms devrait pouvoir se répéter ailleurs, alors qu’elle est en déclin actuellement. Le lien avec la terre se fait aussi par les langues traditionnelles, en résistance à l’universalité. La société actuelle se doit de lutter contre l’individualisme et l’utopie collective : la Bretagne y fait face avec un riche contexte associatif…

   Rémi Mer, ingénieur agronome, nous a parlé de l’agriculture bretonne, partagée entre dynamisme et domination extérieure. Si le porc représente 60% de la production française, la Bretagne n’est pas en reste dans le domaine des légumes (très diversifiés) ; des circuits courts de commercialisation se mettent en place, le bio se développe de plus en plus, de jeunes agriculteurs s’installent, pérennisant l’activité agricole de la Bretagne. Celle-ci doit faire face à de nombreux défis :
– un défi économique, avec le déplacement des centres de décision,
– un défi environnemental,
– un défi sociétal,
– le manque éventuel de salariés dans certains domaines,
– un défi éthique pour la production de la viande,
– le défi de l’image et de la réputation de l’agriculture bretonne,
– le défi du temps qui passe…

   Un trio d’orateurs nous a parlé ensuite de la mer et des activités marines :
– Philippe Le Gal, président du Comité national de la Conchyliculture, nous parle des 800 entreprises qui produisent 50.000 tonnes de coquillages. L’activité se doit de défendre l’espace maritime terrestre contre l’urbanisation, et s’assurer de la qualité de l’eau dans son milieu de travail.
– Gérald Hussenot, ex-secrétaire du Comité régional des pêches, aborde la pêche et les bioressources de la mer : on compte aujourd’hui 1 182 navires de pêche actifs, dont 32 de plus de 25 m, et plus de  4     800 marins (soit plus de la moitié des marins français).
Intermarché, dont la flotte est basée à Lorient, est aujourd’hui le premier armateur français. Environ 100 000 tonnes de pêche sont débarquées par an, et il faut y ajouter les algues laminaires et les algues de rive. Pour l’avenir, il faut faire confiance à la capacité bretonne de gérer les ressources naturelles. Mais la pêche bretonne accuse une perte de 50% en bateaux et marins depuis 30 ans.
– Bernard Cloarec, directeur de la station biologique de Roscoff, nous parle d’un parc scientifique à venir sur les bioressources marines ; nommé Blue Valley (à vocation internationale), il est en cours de création à Roscoff.

   Jean-Pierre Le Roux nous raconte son épopée dans la gestion de son entreprise de production de nems et autres produits asiatiques à Morlaix, qui a atteint la réussite économique, avec 120 salariés, avant la descente aux enfers, par défaut de gestion financière adaptée.
cf. https://www.ouest-france.fr/bretagne/jean-pierre-le-roux-nems-hard-rock-et-ecriture-3162283

   Malo Bouëssel du Bourg, directeur de « Produit en Bretagne » a apporté une note très positive par la réussite de cette fédération dans toute la Bretagne, y compris en Loire-Atlantique ; il cite en exemple à Nantes la fabrication de montures de lunettes NaoNed, faites à partir d’algues marines. Plus de 350 entreprises font actuellement partie de « Produit en Bretagne », dont le logo est présent partout.

   Jacques Brillet, porte-parole de la FSU Bretagne, remet en question l’excellence scolaire de la Bretagne, qui serait essentiellement due à la confrontation de deux systèmes d’éducation, le public et le privé catholique, mais aussi au fait que plus de 70% des enfants de moins de 3 ans ont été scolarisés.
Aujourd’hui, l’école bretonne doit faire face à plusieurs problèmes : la concentration de l’éducation entraîne une réduction du nombre de collèges (bien que les frais de transport qui en résultent conduisent à un coût total supérieur à celui d’avant) ; de plus, le nombre d’enfants de moins de 3 ans scolarisés a chuté à 40% aujourd’hui.

   Jean Claude Le Ruyet, secrétaire d’Ar Falz/Skol Vreizh, a abordé la question linguistique et culturelle. L’apprentissage des langues doit se faire le plus tôt possible. Une solution à 3 langues (breton, français, anglais) à l’école primaire devrait être plus répandue, car elle est efficace. L’avenir est dans les mains de la Région et du Conseil Culturel de Bretagne.

   Philippe Gestin, journaliste et enseignant à l’IUT de Lannion, nous parle de la presse écrite et de sa crise profonde face au choix des jeunes vers les réseaux sociaux : le web est un accélérateur de la crise. Mais la presse bretonne (Ouest-France, Le Télégramme, les hebdomadaires) continue à résister.

   Yves Ollivier, co-auteur du Livre blanc de l’unité bretonne, parle de la réunification de la Bretagne, en berne face au désengagement des élus, souvent contraints de suivre les dictats politiques de leurs partis. Les décisions gouvernementales se font sans consultation de la base : Yves Ollivier considère qu’on est au stade du naufrage démocratique, et recommande de lire le Discours de la Servitude Volontaire de la Boétie… Cf. https://www.singulier.eu/textes/reference/texte/pdf/servitude.pdf – N’avons-nous pas un régime autocratique en France ?
La réunification de la Bretagne demande engagement et mobilisation, et que l’on redéfinisse ce que signifient autonomie et fédéralisme ; pourquoi la France refuse-t-elle toute possibilité d’imiter les Länder allemands qui sont une réussite ?

   La conclusion de la journée se fait sous forme d’une rapide table ronde avec plusieurs élus de différentes tendances politiques :

– Agnès Le Brun, maire de Morlaix, félicite les organisateurs de la tenue de ce colloque au lycée Suscinio, de la richesse des exposés et du nombre de participants ; elle défend la langue bretonne dans les écoles dès l’enfance, et apporte sa contribution à la culture bretonne au-delà de la ville de Morlaix.

– Cindirella Bernard, conseillère municipale à Bégard, 1ère adjointe, conseillère départementale :  défend la langue bretonne à l’école, et plaide pour les écoles bilingues en plus grand nombre en Bretagne.

– Jean-Michel Le Boulanger, vice-président de la région Bretagne, défend la culture bretonne et ses langues, en souhaitant un financement plus important pour ces activités.

– Paul Molac, député de Ploërmel, est très combatif, et aborde le droit à la différenciation territoriale pour la Bretagne comme pour les autres régions : l’article 72 de la Constitution sera modifié, sans que l’on sache quand ; Emmanuel Macron s’était engagé en juin 2018 à Quimper à donner des réponses dans un délai de six mois pour les 28 thèmes soumis à demande ; Paul Molac annonce des actions fortes pour la fin décembre s’il n’y a pas de réponse du gouvernement.