Bannière

 

(Extrait du bulletin de l’Association Bretonne paru en 2015 – Congrès de Nantes)

La bannière de l’Association Bretonne
par Antoine Guillemot (Ancien trésorier de l’Association Bretonne.)

C’est par une décision unanime que le conseil d’administration de l’Association Bretonne avait choisi la Ville de Nantes pour y tenir son Congrès annuel en juin 2014. Pourquoi Nantes ?
En mémoire du cinq centième anniversaire de la mort de la duchesse Anne à Blois, le 9 janvier 1514 à l’âge de trente-six ans, il était prévu, en la cité ducale, plusieurs manifestations auxquelles de nombreuses associations étaient fortement attachées. C’était aussi, pour nous et en premier lieu, l’occasion de satisfaire un devoir moral, que de rendre hommage à la duchesse Anne qui a tant lutté et souffert toute sa vie pour conserver son duché de Bretagne si convoité par les rois de France ; de montrer combien l’Association Bretonne était convaincue de la nécessaire réunification de nos cinq départements ; de mesurer enfin le sentiment des Nantais quant à leur appartenance à cette Bretagne, dite « historique ». Afin de donner plus de lustre à notre présence et plus de force à nos propres sentiments, le Conseil a choisi, sur proposition du Président Yann Kergall, de confier aux Ateliers Le Minor, à Pont-l’Abbé, la confection d’une bannière à l’effigie de la duchesse Anne. Chacun d’entre vous, d’ailleurs, a reçu en son temps les photos en couleurs de ce projet afin de susciter votre généreuse contribution à cette œuvre d’art. Nous vous en remercions à nouveau, bien vivement car, par sa beauté, cette bannière se trouve être l’expression parfaite de notre attachement à la Bretagne, à sa Foi et à son Histoire.
Au Moyen Âge et jusqu’au XVIe siècle, les bannières étaient constituées d’un petit drapeau armorié attaché à une hampe. Ce mot de « bannière » vient tout simplement du mot « ban », car elle se trouvait être alors le signe de ralliement de tous les hommes d’armes appartenant au même ban, c’est-à-dire à la même châtellenie. Elle représentait donc le privilège des seigneurs suffisamment puissants et fortunés pour « lever le ban », afin de pouvoir conduire au combat un certain nombre de chevaliers bannerets.
Les officiers qui commandaient l’Armée royale jouissaient de la même prérogative et possédaient leur bannière armoriée. Le roi, quant à lui, se faisait toujours précéder de la bannière royale et il en était de même pour les familles de haut rang. Ce n’est qu’à la fin du XVIe siècle que ces bannières auront disparu du fait de la prééminence progressive du pouvoir royal interdisant aux bannerets de convoquer directement leurs vassaux. Ainsi, à partir de cette époque, et, peu à peu, les bannières prirent le caractère religieux que nous leur connaissons aujourd’hui ; cet usage se développa rapidement et particulièrement en Bretagne, terre de « Pardons » et de processions.

Banniere-2RCette bannière de la duchesse Anne présente, au recto, les symboles qui lui ont été chers :
̶ outre les années de sa naissance et de sa mort ainsi que celle de la création de l’Association Bretonne par Jules Rieffel et Armand du Chatellier en 1843, nous y relevons, à gauche, une « cordelière ». Elle fut l’emblème de l’Ordre des Dames chevalières de la Cordelière, ordre de chevalerie féminin, fondé par Anne en 1498 après la mort de Charles VIII, roi de France, son mari. La devise de cet Ordre était : « J’ay le corps délié », faisant allusion au cordon de soie blanche qu’elles portaient, sinon de soie noire pour les veuves, les invitant à vivre saintement. Constituée de nœuds en forme de huit, cette cordelière était appelée « lacs d’Amour », du mot latin « laqueus » et du vieux mot français « lacis » qui signifie « cordon » ou « lacet ». Cette cordelière est apparue par la suite sur les armes de la reine Anne de Bretagne, car il faut préciser que ce « lacs d’amour » représente, en héraldique, l’Amour, la Foi jurée et l’Amitié indissoluble. Sous François Ier, roi de France, cette cordelière décorera très souvent les manuscrits, les écus de tous les ducs ultérieurs et même les pièces d’apparat de leur demeure.
̶ le A couronné rappelle que notre duchesse fut reine de France à deux reprises : son premier mariage fut contracté le 6 décembre 1491 à Langeais avec Charles VIII et le second, avec Louis XII, le 7 janvier 1499 à Nantes.
̶ le navire de guerre que la duchesse tient fièrement dans ses bras fut également baptisé La Cordelière, ou Marie la Cordelière, navire construit au chantier naval de Dourduff-sur-Mer, près de Morlaix, la même année que la fondation de son ordre de chevalerie et que la mort de Charles VIII, comme nous l’avons déjà précisé ci-dessus. Il était armé de deux cents canons et comptait un équipage de 1 200 hommes. Commandé par Portzmoguer, il était le fleuron de la Marine bretonne. Il participa, le 10 août 1512, au large de la Pointe Saint-Mathieu, près de Brest, à un combat contre la flotte anglaise commandée par Howard, dont le navire Régent  accompagna La Cordelière  par le fond.
̶ le logo de l’Association Bretonne est représenté par les armes en « parti », de France et du duché de Bretagne. Il ne faut nullement y voir le symbole d’une union de la Bretagne à la France, mais, tout simplement, le souci de l’Association Bretonne de défendre l’identité de la Bretagne et ses libertés essentielles, dans la fidélité à la Patrie, la France.

Au verso, sont repris la représentation de La Cordelière ainsi que le logo de notre Association ; 1514/2014 rappelle, bien évidemment, le cinq centième anniversaire de la mort de la duchesse Anne. Mais le thème central est, d’évidence, l’évocation des « Sept Saints fondateurs » de notre Bretagne. Sur la côte nord, de l’ouest à l’est, sont évoqués : Sant Paol Aorelian (Saint-Pol-de-Léon), Sant Tudual (Tréguier), Sant Briec (Saint-Brieuc), Sant Malo (Saint-Malo) et Sant Samzun (Saint-Samson, à Dol de Bretagne) ainsi que Sant Kaourintin (Quimper) et Sant Padern (Vannes), sur la côte sud.
Venus de l’ « Île de Bretagne », principalement du Pays de Galles, entre les Ve et VIe siècles pour fuir l’invasion saxonne, quatre d’entre eux se sont arrêtés et installés dès leur arrivée sur notre côte nord, alors que Sant Padern s’est fixé au sud de notre presqu’île armoricaine. Seuls Sant Kaourintin et Sant Tudual sont des Armoricains de souche. Ces personnages étaient, à l’origine, appelés « clercs », terme désignant principalement les gens lettrés, sans le moindre rapport avec les religieux de tout ordre ; ils furent déclarés Saints  par la « vox populi », comme tous les Saints dits « Bretons ».
Remarquons enfin que le tracé de notre presqu’île armoricaine est surligné de noir lui donnant l’aspect d’une forteresse, alors que l’intérieur des terres, chargé de demi-cercles, crée un puissant mouvement semblable à celui de l’océan : tout un symbole de notre province isolée et très active à la fois ; tout un symbole aussi du caractère breton souvent dépeint comme étant quelque peu renfermé et méfiant, mais se révélant bouillonnant à l’extrême, à la moindre injustice.

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Notre bannière a été présente à trois reprises en 2014 : au Grand Pardon de Sainte-Anne d’Auray le 26 juillet, au rassemblement des bannières à Vannes à l’issue du Tro Breiz le 9 août, et le 28 septembre au pardon du Vœu à Hennebont dans le cadre des festivités du 500e anniversaire de la basilique.